Un essai randomisé contrôlé américain de Sacks et ses collaborateurs publié dans la revue New England Journal of Medicine en 2009 teste auprès de 811 personnes en surpoids ou obèses l’efficacité de 4 régimes hypocaloriques, un régime riche en protéines, un régime pauvre en sucres, un régime riche en sucres et un régime pauvre en matières grasses. En 2 ans, la perte de poids est similaire pour les 4 régimes (de 2,9 kg à 3,6 kg en moyenne). Les 4 régimes ont diminué les risques de maladies liés à un excès de lipides, de cholestérol, de triglycérides et d’insuline. Les auteurs constatent que les personnes qui ont participé à plus de deux tiers des séances collectives ont perdu 9 kg en 2 ans. Cet article invite ainsi à penser que le contenu de l’assiette compte moins que l’assiduité au régime.
Le rationnel de l’étude
Le débat sur l’efficacité des régimes fait rage depuis une dizaine d’années. Quel est le meilleur pour perdre du poids ? Faut-il manger plus de viandes (régime «riche en protéines») ? Faut-il consommer moins de sucres (régime « pauvre en glucides »)? Faut-il bannir les matières grasses (régime «pauvre en lipides»)? Trop souvent, les études se cantonnent à comparer l’efficacité des régimes sur de courtes périodes. Un régime hypocalorique est proposé durant 1 à 3 mois. Les effets sont comparés à la fin de la période de régime. Eventuellement, des études proposent une réévaluation après 3 à 6 mois. Ces périodes sont trop courtes. Elles sous-estiment la fréquente reprise de poids bien connue sous le nom d’effet yoyo. L’étude se concentre ainsi sur les effets à long terme des régimes, deux ans.
La question posée
Quel est le régime hypocalorique qui fait perdre le plus de poids en 2 ans aux personnes en surpoids?
Le protocole
L’essai randomisé contrôlé implique 811 personnes en surpoids ou obèses. Ces personnes ont suivi aléatoirement un des 4 régimes proposés, le régime A (20% de lipides, 15% de protéines et 65% de glucides, soit un régime pauvre en matière grasse et moyen en protéines), le régime B (20% de lipides, 25% de protéines et 55% de glucides, soit un régime pauvre en matière grasse et riche en protéines), le régime C (40% de lipides, 15% de protéines et 45% de glucides, soit un régime riche en matière grasse et moyen en protéines) ou le régime D (40% de lipides, 25% de protéines et 35% de glucides, soit un régime riche en matière grasse et riche en protéines). Le régime représentait un déficit de 750 kcal par jour comparé au régime de base. En plus du régime, chaque groupe a reçu des recommandations classiques en matière d’alimentation (8% maximum de matière grasse saturée, 20 grammes minimum de fibres par jour, limitation des alimentions favorisant le cholestérol, aliments si possible avec un faible index glycémique), d’hygiène de vie et d’activité physique hebdomadaire (soit en tout 1 heure et demi d’exercice d’intensité modérée par semaine). Des rencontres de groupes étaient réalisées une fois par semaine 3 semaines sur 4 durant les premiers 6 mois de l’étude, puis une fois tous les 15 jours entre 6 mois et 2 ans. Les populations étaient diverses volontairement, urbaines et rurales, jeunes et âgées, favorisées et défavorisées.
Les résultats principaux
En 2 ans, la perte de poids est identique pour les groupes ayant consommé 15% (-3,6 kg) ou 25% de protéines (-3,6 kg). Elle est également similaire chez les personnes ayant suivi un régime de 20% ou 40% de matières grasses (-3,3 kg pour les deux groupes). Avec les régimes de 65% de glucides (-2,9 kg) ou 35% (-3,4 kg), la perte de poids est identique. La perte de poids moyenne a été de 4 kg en 2 ans. 15% des participants ont perdu plus de 10% de leur poids initial. La satiété, la faim, la satisfaction liée à l’alimentation et la participation aux séances de groupe étaient similaires pour tous les régimes. La participation aux séances collectives est fortement liée à la perte de poids. Les 4 régimes ont amélioré les risques de santé liés à un excès de lipides et les niveaux d’insuline à jeun. La participation à 66% des séances collectives a fait perdre en moyenne 9 kg de poids en 2 ans. Les résultats de cette étude plaident pour une intervention comportementale et non simplement sur un régime alimentaire.
Le message pour les patients
Quel que soit le type de régime, à long terme (en 2 ans), le plus important à retenir pour une personne en surpoids est la régularité et l’enthousiasme à limiter son alimentation, et non pas le contenu de son assiette.
Le message pour les professionnels
La clé d’un régime est le respect de ses normes culturelles et de ses préférences. L’essai randomisé contrôlé publié dans une grande revue médicale ne montre aucun avantage d’un régime par rapport à l’autre dans la perte de poids à 2 ans. Un régime hyper-protéiné, hypo-lipidique ou hypo-glucidique amène les mêmes résultats.
Le message pour les chercheurs
Il peut être frustrant d’espérer obtenir des différences entre des interventions non médicamenteuses dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé et ne pas en obtenir. Toutefois, l’absence de différences statistiquement significatives entre les groupes ne signifie pas l’absence de résultats. Au contraire, en analysant plus finement les résultats, les auteurs montrent que les régimes font perdre en moyenne 3 kg de poids corporel en 2 ans, et que la participation aux sessions collectives en fait perdre 9. Cette sous-analyse permet d’envisager des actions comportementales permettant de reproduire ce résultat et de moins se concentrer sur le contenu de l’assiette.
Le message pour les décideurs
Quel que soit le type de régime hypocalorique, le plus important à long terme est la régularité et le respect de ses préférences culturelles. Le contenu de l’assiette ne compte guère. Par contre, le soutien des professionnels et les rencontres de groupe sont des clés pour permettre aux personnes en surpoids de perdre en moyenne 9 kg en 2 ans.
La référence
Sacks FM, Bray GA, Carey VJ, Smith SR, Ryan DH, Anton SD, McManus K, Champagne CM, Bishop LM, Laranjo N, Leboff MS, Rood JC, de JongeL, Greenway FL, Loria CM, Obarzanek E, Williamson DA (2009). Comparison of weight-loss diets with different compositions of fat, protein, and carbohydrates. New England Journal of Medicine, 360, 859-873.
Pour citer cet article du Blog en Santé ©
Ninot G (2014). Efficacité comparées des régimes. Blog en Santé, A24.
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