«Un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d’un sujet qui augmente la probabilité de développer une maladie ou de souffrir d’un traumatisme» (Organisation Mondiale de la Santé, 2013). Par exemple, l’exposition d’une personne à un facteur de risque comme le tabac augmente le risque de survenue d’un cancer du poumon alors que l’arrêt du tabac diminue ce risque. L’importance du facteur de risque traduit la force de l’association avec une maladie. Il est exprimé par le risque relatif observé chez les sujets exposés par rapport aux non exposés. Il traduit une association graduelle. Ceci implique que le facteur de risque précède la maladie, que la correction du facteur doit réduire l’incidence de la maladie (notion de réversibilité) et que ce facteur de risque est indépendant par rapport d’autres. Un facteur de risque modifiable va être un facteur sur lequel on va pouvoir agir. Par exemple, on ne peut pas agir sur l’âge d’une personne. Par contre, on peut agir sur sa consommation de tabac.
Origine de ce concept
Un facteur de risque n’est pas une cause de maladie au sens strict du terme mais une probabilité d’avoir une maladie. Cette notion d’épidémiologie issue des travaux de Hill (1965) signifie qu’il existe un lien statistique entre un facteur étudié (par exemple la consommation de tabac) et la survenue d’un événement (par exemple le nombre annuel de décès par cancer du poumon dans un pays). Ce facteur peut être une caractéristique individuelle (par exemple le poids du corps) ou collective (par exemple les habitants d’une ville). Les chercheurs peuvent ainsi déduire une probabilité de l’incidence d’une maladie dans une population, suivre son évolution, établir des prévisions et extrapoler sur une population générale ou de malades. Les professionnels disposent d’une probabilité de développement d’une maladie ou d’un problème de santé.
Facteurs de confusion
Les analyses des études observationnelles (cohortes) isolent une cause pathogène potentielle des autres facteurs confondants. Mais ce n’est pas toujours si simple. Prenons un exemple. Une étude de cohorte suivant plusieurs milliers de personnes sur une durée de 50 ans peut montrer un lien entre l’activité physique hebdomadaire et le risque de maladie cardio-vasculaire. Seulement, ce lien peut aussi s’expliquer par d’autres facteurs, l’alimentation en fruits et légumes ou la consommation d’alcool, eux-mêmes liés aux pathologies cardio-vasculaires. Il n’est pas pertinent d’envisager l’activité physique comme un facteur de risque et encore moins de proposer une intervention agissant sur son niveau. Il est souvent nécessaire de faire appel à la recherche interventionnelle par la réalisation d’un essai randomisé contrôlé pour déterminer avec exactitude la contribution du facteur de risque et si sa modification entraîne moins de maladies.
Principaux facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque non modifiables de provoquer des maladies sont l’âge, le sexe et les antécédents familiaux. Les principaux facteurs de risque modifiables au niveau comportemental sont la surcharge pondérale (notamment la graisse abdominale), la maigreur, les rapports sexuels non protégés, l’hypertension artérielle, la consommation de tabac, la consommation d’alcool, l’hygiène et l’activité physique. Les principaux facteurs de risque modifiables au niveau environnemental sont les revenus, les conditions de travail, la participation sociale, l’accès aux soins, les stratégies de prévention, l’habitat, la qualité de l’eau et l’assainissement.
Le message pour les patients
Le Blog en Santé invite à ne pas confondre facteur de risque d’une maladie et cause de maladie. Un facteur de risque est une notion probabiliste. Dire que le facteur de risque de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) s’élève à 90% pour le tabagisme ne veut pas dire que 90% des fumeurs seront BPCO ou qu’un fumeur a 90% de chances de devenir BPCO (le chiffre réel est estimé entre 10% et 20%). Il signifie qu’un fumeur a neuf fois plus de chances de devenir BPCO qu’un non fumeur.
Le message pour les professionnels de santé
L’épidémiologie repose sur la notion probabiliste de facteur de risque afin d’identifier les facteurs modifiables sur lesquels des actions thérapeutiques ou de prévention peuvent être préconisées. Les facteurs de risque sont le plus souvent mis en évidence par des études de cohortes en population générale, dans des groupes particuliers (par exemple des cohortes professionnelles ou des sous-groupes à risque) ou dans des populations de malades. Ces études suivent à long terme des populations et repèrent des facteurs qui infléchissent les trajectoires de vie. Cette identification permet de mettre en place des interventions spécifiques de modification du facteur de risque en population générale (action de santé publique) ou en population spécifique (action sur une catégorie de malades). Elle permet aussi le développement de recherches interventionnelles complémentaires.
Le message pour les chercheurs
La confrontation aux résultats des études observationnelles obtenues dans différentes conditions est une étape nécessaire pour colliger les différents éléments qui vont permettre de préparer au mieux une étude interventionnelle. Le chercheur doit justifier ses choix dans l’élaboration d’un essai randomisé contrôlé: nature de l’intervention, population, période de suivi, critères de jugement.
Le message pour les décideurs
S’il est légitime de vouloir comprendre les mécanismes d’action, l’important pour l’individu et la société est que l’action soit efficace, que le but soit de prévenir ou de ralentir l’évolution d’une maladie. L’identification des mécanismes sous-jacents à une association entre maladie et facteur de risque modifiable est l’un des objectifs de l’épidémiologie étiologique mais elle n’est pas indispensable dans une optique interventionnelle plus pragmatique. A-t-on toujours besoin de connaitre la cause d’une maladie pour pouvoir agir sur son incidence ou son évolution? Est-il indispensable de comprendre les mécanismes pouvant expliquer une relation entre facteur modifiable et maladie pour engager une action thérapeutique? Ces questions toujours font débat (Berr, 2013 In Ninot, 2013).
Références
Berr C. (2013). Démontrer l’efficacité des interventions non médicamenteuses : Point de vue de l’épidémiologiste (pp. 103-115). In Ninot G (Ed.). Démontrer l’efficacité des interventions non médicamenteuses : Question de points de vue. Montpellier : Presses Universitaires de la Méditerranée (PULM).
Hill AB (1965). The environment and disease: Association or causation? Proceedings of the Royal Society of Medicine, 58, 295-300.
Organisation Mondiale de la Santé (2013). Glossaire. Genève : OMS Edition.
Pour citer cet article du Blog en Santé ©
Ninot G (2014). Définir la notion de facteur de risque modifiable. Blog en Santé, L4.
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